Yves Saint Laurent (2014)

2014-05-31

Yves Saint Laurent est un film biographique français coécrit et réalisé par Jalil Lespert, sorti en 2014. — Wikipédia

Quand les orgasmes coordonnés de la critique encensent en chœur un film et contredisent mes instincts de spectateur blasé, je me dis que gaspiller mon argent pour une place de cinoche serait une ignominie, mais qu’exploiter un épisode insomniaque à la Chimay bleue pour perdre une centaine de minutes, c’est à la limite de l’acceptable : c’est comme ça que j’ai fini par regarder Yves Saint Laurent.

Je ne suis pas passionné de mode, je ne me targue même pas vraiment d’avoir des goûts raffinés, simplement d’avoir un sens de l’esthétisme partagé par assez de gens pour rentrer dans le domaine du « bon goût ». Je savais avoir affaire à un film biographique dont le scénario serait forcément focalisé sur l’« homme » plus que sur l’« œuvre », et je ne sais pas si le choix fut judicieux ou même réfléchi plus de trois secondes lors d’une beuverie débridée. Tout ce que je retiens, c’est qu’Yves aime les mecs, qu’Yves a eu beaucoup de scènes de ménage, qu’Yves est triste, auto-destructeur, vulnérable, et particulièrement dévoué à son auto-destruction, mais là où une œuvre prolifique et une carrière glorieuse secouée par des scandales retentissants triomphèrent, il ne reste à l’écran que des divagations — potentiellement émouvantes, certes — sur la vie sexuelle et affective de notre protagoniste.

Oui, il y a des messieurs charmants, des mannequins dans des belles robes (dans quelques scènes), une bande originale aux cuivres molletonneux, tentant sûrement d’évoquer le « chic » d’YSL. Mais c’est cette fixation sur la sexualité et les relations interpersonnelles qui domine, et je me faisais chier. Qu’un type se fasse enculer dans une cage, dans un club échangiste gay, alors qu’il est à peu près aussi sobre qu’un Hunter S. Thompson en plein reportage, je ne sais pas si ça m’intéresse. J’ai assisté à ces scènes avec un désintérêt frisant l’ennui sincère, et je me suis surpris à envisager des activités alternatives, comme me couper les ongles des orteils, ce qui aurait certainement été plus intéressant.

Je ne sais pas à quel point Pierre Bergé a influé sur le scénario. Ce qui est à peu près certain, c’est que le souci d’intégrer plus de scènes de ménage que de scènes concernant au moins un peu la mode donne franchement l’impression d’un biais. La narration en voix off, apparue inopinément après quelques minutes, et totalement superflue, donnait au film une saveur âcre de lettre d’amour posthume à un proche qu’on regrette.

Tout ça alors que la cinématographie est propre et correcte, sans innover pour autant, et que les acteurs sont bons, les prestations émouvantes quand l’occasion leur en est laissée. Je ne sais pas si ça valait la peine de trouver des bons acteurs si c’est pour leur faire jouer un scénario écrit comme celui des Feux de l’amour avec plus de consommation abusive de stupéfiants, de bourgeois, et de pédés. J’ai eu envie de ressentir de l’empathie pour le personnage d’YSL, mais ça n’a pas accroché.

Finalement, quand on veut rendre hommage à quelqu’un, le plus simple, c’est peut-être de mettre en avant son œuvre, son talent, son génie, et pas ses affaires privées sans intérêt, ses squelettes dans le placard, sa maladie. Le sujet n’est pas inintéressant, mais tenter d’en faire un film s’est révélé être un échec narratif cuisant. Et c’est dommage : la dépression, c’est plus que ce qu’un biopic trop prétentieux peut montrer, on dirait.