Poziția copilului (2013)

2014-03-04

Certains points clefs de l’intrigue pourraient être révélés ci-après.

Un soir de printemps particulièrement froid, Barbu, au volant de sa voiture, erre dans les rues à 50 km/h au-dessus de la limite autorisée, et renverse un enfant. Le garçon meurt peu après l’accident. Barbu encourt entre trois et quinze ans de prison. Sa mère, Cornelia, une architecte membre de la haute société du pays, décide d’intervenir et commence une campagne pour sauver son fils léthargique. — Wikipédia

Drame familial prestigieusement récompensé, ce film fut choisi de commun accord fraternel pour un visionnage payant, samedi dernier, dans un petit cinéma de Liège, après la déception ô combien amère d’avoir rejoint une file inutilement, convoitant des places trop limitées pour un autre film, trop anticipé par la foule. Ne sachant rien d’autre que l’origine roumaine et la récompense berlinoise, nous sommes entrés en toute bonne foi et sans préjugés, pour un peu déroger à mes habitudes d’aigri cynique.

Première surprise, et de taille : la réalisation mise sur une approche très « cinéma direct », voire Dogme 95 : le trépied n’est qu’un rêve humide de cadreur trop bichonné par un conformisme suranné. La caméra sur l’épaule, l’image un peu trop remplie de bruit numérique… Un film qui évite de trop arranger les endroits filmés ? Sûrement. Les plans allongés et les mouvements de caméra remplaçant le montage rappellent presque un documentaire ne pouvant se permettre le multi-caméra. Le style a son charme, continuons.

En dehors de son esthétique à laquelle je ne suis pas tout à fait accoutumé, ce film surprend par son honnêteté face à la situation : dans la région de Bucarest, tout s’achète, dont les flics, et le ton de la corruption est si innocent que « Combien de sucres dans ton café ? » passerait pour une incitation au meurtre.

Cornelia, la protagoniste, brillament interprétée par Luminița Gheorghiu, n’est pas épargnée par une écriture froide et sans concessions, et son personnage ressort comme un monstre narcissique qu’on a tout simplement envie de voir mourir dans d’atroces souffrances, par pure vengeance face à son attitude dont la repréhensibilité va crescendo.

Du reste, les autres personnages m’ont semblés moins importants, mais loin d’être insignifiants : Barbu, le fils, et Carmen, sa femme, représentent une résistance passive, du moins au début, à l’invasion constante et égocentrique de Cornelia dans leurs affaires. Les policiers, corrompus et méprisants, sont d’un naturel déconcertant dans leur abjection. Le témoin, dont le discours sans équivoque rappelle encore plus directement la perversion morale du monde représenté, est tout bonnement nauséabond. Les seuls personnages à l’égard de qui un spectateur comme moi peut ressentir une quelconque empathie, ce sont les victimes, qu’on ne montre qu’à la fin, dans toute la splendeur de leur deuil sincère.

Le moment le plus fort du film, c’est certainement sa fin : Cornelia rend visite à la famille de la victime, préparant les funérailles de leur fils, « au nom de son fils » (Barbu), elle en profite pour étaler ses propres préoccupations à propos de son fils et n’offre que des condoléances protocolaires, avec une émotion qui paraît mal dirigée. Elle en profite même pour tenter d’acheter la famille à son tour, comme elle en a l’habitude, tout en enrobant sa démarche de formules prétendant le contraire.

Un film très efficace, donc, faute d’un meilleur terme.