Dissertation française sur une citation d’Oscar Wilde

2011-09-23

« Sous le nom de “livre d’histoire”, nous enseignons à nos enfants le calendrier criminel du monde » — Oscar Wilde.

L’opinion acide et arrêtée de cet auteur de langue anglaise célèbre représente une vision critique et plutôt réductrice de l’Histoire, qui peut s’expliquer par la seconde partie de la citation qui mentionne l’enseignement.

Car si l’homme s’attache à faire couler beaucoup d’encre sur ce qui a fait couler beaucoup de sang, c’est, dirait un historien, par « devoir de mémoire », ou même « afin d’éviter de répéter les erreurs du passé ». Force est de constater que ce leitmotiv n’est observé que par une frange infime de l’humanité, puisque les guerres se déclenchent depuis toujours pour les mêmes raisons, que je ne tiens pas à énoncer ici de crainte d’offenser l’opinion des plus idéalistes.

L’Histoire est, pour celui qui ne l’a pas étudiée précisément, une longue succession, presque cyclique, de conflits armés et de renversements politiques.

M. Wilde semble cependant avoir orienté sa critique envers l’enseignement de l’Histoire qu’on prodigue aux enfants, qui est le plus souvent aussi réducteur qu’essentiel. À l’époque, le principal sujet d’étude devait être, pour un Anglo-saxon du moins, l’Empire Britannique, ainsi que les faits militaires de Napoléon Bonaparte et le Congrès de Vienne qui s’ensuivit, car la Grande-Bretagne faisait partie des grandes puissances qui y décidèrent des frontières de l’Europe. N’oublions pas non plus la bataille de Trafalgar de 1805, fierté de tous les Anglais encore aujourd’hui et qui symbolise l’hégémonie de l’Empire sur les mers.

Ces sujets impliquent des guerres et des décisions politiques contestables, et aujourd’hui contestées, et l’Histoire, telle qu’elle est enseignée aujourd’hui et devait l’être à l’époque, ne fait qu’étudier ce type d’évènements et non pas les changements qu’a opérés le progrès scientifique sur la société et les mœurs de celle-ci.

Et pourtant, étudier l’Histoire est supposément le meilleur moyen qui soit pour comprendre au mieux le présent, certes, la politique joue un rôle prépondérant dans l’organisation de la société, mais la vie quotidienne des sociétés antérieures à la nôtre, ou, par extension, moins évoluées que la nôtre d’un point de vue strictement technologique, est aussi importante, si pas plus, que l’étude des bouleversements.

Comment comprendre l’origine des aliments dont on se nourrit, des vêtements dont on s’habille et de l’architectures de nos bâtiments en étudiant les guerres ?

Même s’il ne faut pas oublier les conflits, les enseigner prioritairement est aussi étroit d’esprit que, le plus souvent hélas, militariste et politisé. L’Histoire est écrite par les vainqueurs, dit-on, et c’est le point de vue du régime en place qui est défendu, car, ne nous leurrons pas, toutes les sciences humaines ne peuvent être étudiées, par des humains, que de manière subjective.

Par extension, on peut considérer sans trop exagérer qu’enseigner à nos enfants les guerres passées d’une telle manière s’apparente à de la propagande, car les ennemis jurés d’un peuple sont ceux qui ont antérieurement été en conflit avec ce dernier, et cultiver cette tendance volontairement est purement et simplement de la propagande, qui est au sens strictement étymologique, rappelons-le, de la propagation de foi, donc une entreprise cléricale et aujourd’hui méprisée par les masses laïques : congregatio de propaganda fide.

En guise de conclusion, l’enseignement de l’Histoire que critique M. Wilde est l’enseignement d’une histoire négative, violente et irrémédiablement entachée de sang. Encore faut-il changer cet état de fait, car le siècle qui nous sépare de lui n’a fait qu’apporter d’autres sujets d’étude aux écoliers.